Sommaire
Les Tortues Ninja (Teenage Mutant Ninja Turtles aux États-Unis) est un dessin animé américain, produit par la firme Murakami-Wolf-Swenson, Inc., et dont la diffusion s’est étendue entre 28 décembre 1987 et le 2 novembre 1996.
La série présente les aventures des personnages du comic créé par Kevin Eastman et Peter Laird, les quatre Tortues Ninja (pour en savoir plus). Inspiré d’une ambiance sombre, violente et impitoyable, le dessin animé a naturellement dû s’adapter pour toucher un public bien plus jeune qu’à l’origine. Cette série a été créée avant tout dans le but de vendre des jouets basés sur les personnages principaux. Telle était la condition de sa production (pour en savoir plus).
Après la diffusion des cinq premiers épisodes au moment des fêtes de décembre 1987, la gamme de jouet fut lancée au cours de l’été 1988 par la petite entreprise californienne Playmates Toys, encore inconnue à l’époque. Cette combinaison de marketing a fonctionné main dans la main pendant près d’une décennie et connaissant un succès remarquable.
Production
Des débuts prometteurs
Le scénariste David Wise et Patti Howeth (sa future épouse) ont écrits les cinq premiers épisodes. Avec le succès de ces débuts prometteurs, la saison 2 invite le dessinateur de comics Jack Mendelsohn à se joindre l’équipe. Si Wise avait donné le ton initial à la série, il alterna son travail avec Mendelsohn, qui écrivit plus de soixante-dix scénarios et fut producteur exécutif pour les quatre saisons suivantes. Mendelsohn a quitté la production au début de la rédaction de la Saison 9, fatigué par les contraintes et les changements imposés par la CBS, tout comme David Wise l’année suivante. C’est Jeffrey Scott qui prit sa place et devint éditeur en chef jusqu’à la fin de la série.
La première saison du dessin animé a été conçue tel un pilote de cinq épisodes. Si le succès était au rendez-vous, une suite pouvait être envisagée. Diffusés lors des fêtes de fin d’année, la série a enregistré des scores tout à fait honorables, permettant de lancer le développement d’une suite, cette fois composée de treize épisodes.
Parallèlement, la vente de jouets a été lancée à l’été 1988, après avoir rencontré quelques retards de production. La folie dans les rayons a été un second signal annonciateur d’une potentielle mine d’or. De nouvelles figurines ont très rapidement été commandées pour réapprovisionner les rayons (en savoir plus).
L’engouement autour de la série a très vite décidé la production de Fred Wolf à produire un nombre conséquents d’épisodes pour la saison 3, atteignant au total plus de 60 épisodes. Cela permettait à la série de quitter la syndication et d’être diffusée peu après sur la chaîne CBS. Cela lui permettait de garantir une rediffusion des épisodes. Afin d’assurer la production de ces 47 nouveaux épisodes, une partie a été dessinée à Dublin. La qualité s’est faite d’ailleurs ressentir grandement !
Un succès retentissant
En 1990, la quatrième saison comporte encore 38 nouveaux épisodes. La diffusion sur CBS permet de proposer le dessin animé les samedis matins, mais aussi et surtout tous les jours, assurant aux enfants de ne vivre plus que pour la licence. Parallèlement, un film, des jouets et une tournée musicale sont lancés pour booster la Turtlemania qui s’emparait des plus jeunes. Les premiers épisodes de cette nouvelle saison étaient encore produits à Dublin. Les scénarios étaient signés par Misty Taggart, qui a par la suite également sur quelques épisodes américains. La réalisation était quant à elle confiée à Michael Algar en Europe et à Walt Kubiak pour les États-Unis.
Au cours de cette quatrième saison, de nouveaux auteurs sont invités pour des épisodes secondaires, comme Martin Pasko ou encore Dan DiStefano. Les épisodes les plus importants étaient quant à eux toujours signés massivement par David Wise ou plus rarement par Jack Mendelsohn et Michael Reaves. Avec l’arrivée sur la chaîne CBS, la quatrième saison se voit affublée d’un nouveau générique à partir de l’épisode La vengeance de la mouche (S4 E14). Si la musique reste la même, de nouvelles images illustrent l’ouverture des épisodes, plus fidèles à l’ambiance de la série dans sa globalité. En France, ce générique n’apparaît qu’à partir de la sixième saison, avec de nouvelles paroles.
Parallèlement à la quatrième saison, quelques épisodes ont été commandés aux studios de Blois de Bruno René huchez, qui produisait la série pour l’Europe. Ces épisodes sortaient du cadre classique de New York pour voir les tortues réaliser un tour du vieux continent et visiter les grandes capitales comme Paris, Londres ou Rome. Une fois encore, la qualité de ces épisodes laisse clairement à désirer, aussi bien au niveau de la réalisation que du dessin et du scénario terriblement simpliste.
Red sky seasons
Malgré un succès incroyable, le dessin animé des Tortues Ninja a eu beaucoup de difficultés à se renouveler. Les enfants, submergés par la licence du lever au coucher, commençaient à se lasser des quatre frères mutants. Les jouets étaient toujours plus nombreux en rayons. En 1991, le président de Playmates Toys Thomas Chan confiait à Forbes « Si la vente des tortues venait à chuter de 500 millions de dollars à 100 millions, aujourd’hui, on arriverait encore à faire du profit ». 1991 marquait justement l’année du déclin de la gamme, qui atteindrait son paroxysme six ans plus tard. Chan avait raison, il n’y avait cependant pas de quoi s’inquiéter sur le court terme.
Ainsi les saisons 5 à 7 ne proposaient plus qu’une vingtaine d’épisodes. Ceux-ci étaient en revanche bien mieux dessinés. Mais plusieurs ombres planaient au-dessus des tortues, à commencer par celle du Caped crusader. Batman avait crevé l’écran avec le film de Tim Burton en 1989. Trois ans plus tard, un dessin animé était lancé, Batman : The animated series. Accompagné de son lot de figurines, le chevalier noir rencontrait des aventures bien plus sombres et sérieuses, faisant passer les tortues pour de vraies amatrices de la lutte contre le mal. L’année suivante, une autre série balayait tout sur son passage. Il ne s’agissait plus d’un dessin animé, mais d’une série pour enfant avec de vrais acteurs et de vrais costumes. Les Mighty Morphin’ Power Rangers ! Les cinq brillants adolescents raflaient tout sur leur passage, également avec une campagne promotionnelle de figurines mémorables.
Face à ces deux menaces, la production des Tortues Ninja devait revoir ses plans. Elle avait trop longtemps dormi sur ses lauriers et devait enfin se réinventer. Les enfants avaient le goût pour les monstres, les extraterrestres repoussants et tout ce qui n’était pas humain. Mais aussi pour des intrigues plus sombres comme l’avait démontré Batman.
Pour répondre à cette concurrence, la huitième saison deviendrait donc plus sombre à son tour. Surnommée par les fans Red sky seasons, l’intrigue se déroulait toujours de nuit, sous un ciel rougeoyant. Si Krang et Shredder étaient toujours présents, il était temps de leur faire prendre de l’envergure et les représenter comme de vrais méchants et non plus des idiots. Dès le premier épisode, Shredder détruit l’immeuble de Channel 6 (À la recherche de Shredder, S8 E1). Cela conduisait à une chasse à la tortue, dont la réputation était massacrée par un Burne Thompson sans pitié envers les quatre mutants qu’il accusait de tous ses maux. Le tout, à grands coups de désinformations et d’acharnement médiatique.
Cette persécution s’étend dans la saison suivante à travers un nouvel ennemi, Dregg. Les Power Rangers avaient su introduire un nouveau méchant au début de la deuxième saison de la série. Les Tortues Ninja en feraient de même. Exit Krang et Shredder. La menace viendrait de l’espace et serait bien plus perverse. Dregg était la réponse au Seigneur Zedd des Power Rangers. Un puissant conquérant qui rivalise d’ingéniosités pour parvenir à ses fins. Se faisant passer dans un premier temps pour un bienfaiteur venu de l’espace pour aider les humains à développer leurs technologies, ses plans se faisaient toujours contrecarrer par les tortues. Pour les affronter, il n’hésitait pas à les discréditer auprès du public, en les accusant de ses propres méfaits (Carter à la rescousse, S9 E7).
Les Red sky seasons sont bien connues pour leur ambiance radicalement opposée aux saisons précédentes. Rajoutons à cela de nouvelles musiques bien plus agressives, un nouveau générique plus Rock’n’roll avec des images reprises du film de 1990. Mais aussi l’emploi quasi-systématique d’explosions, plutôt rares par le passé. Par ailleurs, de nombreuses redondances sont à noter ou de fortes similitudes entre les épisodes.
Mais si quelque chose reste marquant pour ces nouvelles saisons, c’est surtout la nouvelle apparence des tortues. Les visages sont bien moins enfantins. Tout comme les intrigues qui voient April relayée bien souvent au simple agent de communication pour les tortues, et très souvent vue derrière son bureau, dans son appartement. En effet, la journaliste devient indépendante à partir de la saison 9 et change drastiquement de design, elle aussi. Splinter n’est plus qu’une caricature de conseiller apparaissant quelques secondes dans quelques épisodes pour citer un proverbe douteux capable de débloquer la situation des tortues. Et un nouveau personnage fait son apparition dans l’épisode Ninja inconnu (S9 E1), Carter. Il s’agissait d’un jeune homme désireux d’apprendre du meilleur maître des arts martiaux, Hamato Yoshi. Allié de tortues, il peine à se faire une place, oscillant entre instabilité, désobéissance et volonté de reprendre les cours à la faculté.
En saison 9, les tortues font face à une anomalie dans leur mutation, les faisant devenir d’imposantes créatures monstrueuses et parfois décérébrées (Mutation brutale, S9 E4). Une intrigue secondaire qui sera conduite jusqu’au milieu de la saison 10.
La dernière saison des Tortues Ninja a été scénarisée par Jeffrey Scott, qui remplaçait le très célèbre David Wise. Toutefois, son écriture s’est traduite par de très grandes facilités scénaristiques et des épisodes bâclés, qui filent à 200 à l’heure pour contenir toutes les idées de l’auteur sur un format de 22 minutes. Toutefois, il est soupçonné que Wise soit revenu sans être crédit pour apporter quelques idées supplémentaires. Cela se ressent notamment dans l’épisode Les évadés de la Dimension X (S10 E6).
Diffusions à travers le monde
Aux États-Unis
Le dessin animé a été diffusé pour la première fois à l’occasion des fêtes de fin d’années 1987 aux États-Unis, du 27 décembre au 1er janvier 1988. Toutefois, de nombreux sites avancent d’autres dates en janvier. Seule la date du 27 décembre est attestée dans les programmes télévisés et la production a toujours avancé sa volonté de diffuser le dessin animé vers Noël.
Du 1er octobre 1988 au 23 septembre 1989, la série fut diffusée aux États-Unis le samedi matin. Avec son rapide succès, elle se retrouva placée l’après-midi, durant la semaine, sur différentes chaines, du 25 septembre 1989 au 17 septembre 1993.
Atteignant le chiffre mirobolant de 47 épisodes pour la saison 3, la série animée des Tortues Ninja compte en 1989 66 épisodes, ce qui lui permet de pouvoir rediffuser ses épisodes à une plus grande cadence et d’espérer ainsi le support d’une chaîne de renom. Le 15 septembre 1990, la Columbia Broadcasting System (CBS) commence la diffusion de la saison 4 à travers deux épisodes le samedi matin (La vengeance de la mouche, S4 E14 puis À mourir de rire, S4 E15). Cette formule tiendra jusqu’à la fin de la diffusion de la saison 7, en décembre 1993, entre inédits et rediffusions (pour en savoir plus).
L’année suivante, et jusqu’au 2 novembre 1996, seulement un épisode était diffusé le samedi matin sur la CBS (saisons 8-10). La chaîne est contrainte d’annuler la diffusion des Tortues Ninja à cause des lois FFC, voulant que le samedi matin, les chaines américaines ne passent que des programmes éducatifs. La série s’essoufflait déjà depuis quelques années, principalement avec l’arrivée de séries importantes comme Batman (1992) et les Mighty Morphin’ Power Rangers (1993) (voir la section Red sky seasons ci-dessus).
Si le dessin animé n’a strictement rien à voir avec le matériau originel, il est indéniable qu’il a permis à la licence se de faire très bien connaître et toucher plusieurs médias, jusqu’au cinéma. Sans cette série, il est probable que les Tortues Ninja soient tombées dans l’oubli. Elles n’auraient pas rencontrés la notoriété internationale actuelle. Le dessin animé est même devenu l’un des plus populaires de la télévision, devenant la série la plus regardée aux États-Unis entre 1989 et 1991. Céréales, peluches, gel douche, sans oublier les jouets et autres produits dérivés ont envahis durant cette période les magasins. Les comics TMNT Adventures d’Archie Comics, qui reprend à la base l’histoire des tortues du dessin animé a également rencontré un beau succès, supérieur au comic original et permettant de familiariser les plus jeunes aux bandes-dessinées. Les jouets de la licence étaient parmi les meilleures ventes mondiales entre 1988 et 1992. En 1990, la série était diffusée sur plus de 125 chaînes de télévisions à travers le monde, tous les jours. Les comics ont été vendus en moyenne à 125 000 exemplaires par mois.
Lors de la diffusion de la dixième et dernière saison, la série détenait le record de longévité d’un dessin animé aux États-Unis. Deux ans plus tard, ce record était battu par les Simpson, qui étaient l’un des concurrents directs des Tortues Ninja. Aujourd’hui, d’autres séries ont dépassé ce score, comme Bob l’éponge.
En France
En France, la série ne sera diffusée qu’à partir de février 1989 sur Canal +, dans le programme Cabou Cadin. Si certains sites internet avancent la date du 16 février, aucune preuve concrétè ne permet d’officialiser cette information. Le 23 février 1989 est la date la plus ancienne trouvée dans un programme télévisé à l’heure actuelle (source). Cela ne veut cependant pas dire que la série n’a pas été diffusée avant cela.
La série a été coproduite par I.D.D.H., avec la participation de Bruno-René Huchez, au cours des cinq premières saisons. Les studios français sont situés à Blois et Angoulême, ce qui permit par exemple la diffusion du voyage en Europe quelques mois avant les États-Unis. C’étaient là qu’étaient dessinés notamment les décors des épisodes.
France télévision reprit à partir du premier trimestre 1990 la diffusion des Tortues Ninja, à travers le programme Amuse 3 (France 3). Les épisodes inédits, à partir de la troisième saison, ont été diffusés sur Antenne 2, puis France 2 dès l’été 1990 et jusqu’en 2000. La diffusion de ces épisodes est très chaotique, respectant rarement l’ordre de la production américaine.
Le final de la saison 5, La planète des tortues droïdes n’a été diffusé qu’en septembre 1997 avec quelques rares épisodes de la saison 6. En effet, les années 1992-1994 se sont centrées sur d’importantes rediffusions des saisons 3 à 5. Il faudra ensuite attendre le printemps 1998 pour la diffusion de cette sixième saison, le 13 juin 1998. France 2 ne diffusera les saisons 7 à 10 qu’à partir du 22 janvier 2000, et ce jusqu’au 28 mai 2000 dans un ordre quasi-irréprochable. Cet arrêt d’un an et demi est certainement à imputer à la diffusion de la série Next Mutation par TF1 entre le 2 septembre 1998 et le 16 juillet 2000 (fin des inédits le 13 février 1999).
Il est probable que ce contretemps n’ait pas été prévu initialement. Les épisodes ont malgré tout été doublés en français pour les saisons 7 et 8. Ne pouvant passer à la télévision, elles furent en partie distribuées par UFG Junior dans diverses VHS en 1997 à l’occasion des dix ans de la série. Cela explique la présence du deuxième générique français pour des épisodes de la huitième saison sur ces cassettes.
Au cours de cette période, et jusqu’au 27 août 2002, France 3 a rediffusé régulièrement les épisodes des Tortues Ninja. Il est intéressant de noter que ce n’est qu’au cours de la première année de diffusion de France Télévision que les épisodes 2 à 5 de la saison 1 sont passés en France (hors Canal +). Seules les cinq premières saisons ont été diffusées sur France 3 (ainsi que quelques épisodes du voyage en Europe), laissant les dernières saisons à France 2, qui les diffusa de manière bien moins régulière et à des horaires peu propices pour les enfants, autour de 5h30 les samedis et dimanches. Cela explique la rareté de ces épisodes sur internet en version française.
La question du doublage français
Le dessin animé des Tortues Ninja a connu trois studios de doublages pour l’ensemble des dix saisons et une qualité de traduction et de jeu d’acteurs très douteux.
Le premier studio, le plus connu, était celui de la SOFI (en savoir plus). À partir de la cinquième saison et de l’épisode Mon frère, le mauvais garçon (S5 E3), le studio H2 Productions a assuré la traduction de la série. Généralement, ce doublage est très critiqué par les fans. Et pour cause ! Les voix étaient peu représentatives des personnages et la prestation peu convaincante. Il est important de noter toutefois un plus grand respect dans la traduction des dialogues, très souvent censurés ou librement modifiés par la SOFI. Par exemple, c’est sous H2 Productions qu’apparait le cri « Cowabunga » ! Néanmoins, un grand nombre de dialogues ont été traduits sans en comprendre le contexte et transforme alors le sens de l’épisode (Sale temps pour Donatello, Donatello et les clones) ou encore en se proposant des titres d’épisodes totalement confus (Donatello et le Gecko, S5 E4).
Le travail de H2 Productions ne s’est étendu que sur la saison 5. En effet, le studio a déposé le bilan en décembre 1996. À partir de l’épisode Les soldats de pierre (S6 E1), un troisième studio est entré en jeu : Prodac. C’est l’occasion de retrouver certains comédiens de doublages de la SOFI, comme Mark Lesser (Leonardo et Casey Jones) et Laurence Crouzet (April O’Neil).
Chaînes de diffusion des Tortues Ninja en France
Informations en provenance de l’Inathèque
- Canal + (inédits – 1989-1990)
- France 2 (inédits – été 1990 – 28 mai 2000)
- France 2 (rediffusion – 1990/1991 – 25 avril 2004)
- France 3 (rediffusion – premier trimestre 1990 – 27 août 2002)
- NT1 (6 février 2006 – 25 octobre 2008)
- Mangas (1er mars 2006 – 3 mars 2016)
- NRJ12 (12 avril 2009 – 28 décembre 2012)
Censure de la série en Europe
Le dessin animé a été renommé Teenage Mutant Hero Turtles dans de nombreux pays européens, dont le Royaume-Uni et l’Allemagne. Cette censure est due à la connotation trop violente qu’avait le titre selon les médias britanniques de l’époque. Au moment de l’exportation de la série, la seule garantie pour qu’elle fonctionne en Europe était qu’elle soit approuvée par la BBC britannique. Mireille Chalvon, à la tête des programmes jeunesse de France 3 expliquait sa réticence pour l’Express « J’ai beaucoup hésité. J’ai pensé que cela plairait aux enfants, mais l’univers glauque tranchait avec notre image ». Elle essaya de se rassurer en prenant la température en Grande-Bretagne. Theresa Plummer-Andrews était une femme à la poigne forte par qui passaient des centaines de dessins animés à cette époque. C’était elle qui validait, ou non, la dizaine de séries pour enfants, parmi un panel de 200 programmes par an. « Je trouvais les tortues amusantes, mais l’appellation Ninja est l’utilisation de certaines armes de guerriers japonais étaient trop violentes », explique Plummer-Andrews. Afin de satisfaire la BBC et garantir au dessin animé une place particulière avec le si espéré timbre « acheté par la BBC », Bruno René Huchez et Bernard Pratt, grands connaisseurs du marché du jouet français, firent disparaître le terme de « Ninja » du titre Teenage Mutant Ninja Turtles pour le remplacer par « Hero ».
Ce n’est pas l’unique changement que subit alors le dessin animé. Les paroles du générique « Splinter taught them to be ninja teens » sont changées par « Splinter taught them to be fighting teens ». Les passages où Michaelangelo apparait avec ses nunchakus sont remplacés dans le générique par des extraits du dessin animé, ou des plans fixes. Dans la série même, certains passages sont totalement coupés, notamment lorsque l’on voit les nunchakus en action. Cela explique pourquoi par la suite, la tortue amatrice de pizzas change son arme pour un grappin, gardant les nunchakus parfois dans le dos, sans jamais les utiliser. La raison principalement avancée pour favoriser le sabre au nunchaku était sa perception comme une arme de torture, et non de combat. Coïncidence ? Dans la série Next Mutation, Michaelangelo a de nouvelles armes, des tonfas ! Theresa Plummer-Andrews eut ce qu’elle voulait et donna son feu vert pour que la BBC diffuse la série en Grande-Bretagne dès janvier 1990.
Cette censure s’est également appliquée sur les film de 1991, où l’utilisation des armes des tortues est anecdotique. Leonardo et Raphael n’utilisent leurs armes que dans la scène d’introduction, à une reprise. Michaelangelo n’utilise que des saucissons pour se battre. Donatello est le seul à sortir son bō sur l’ensemble du film, tout comme les ninjas Foot.
En France, la censure a été moins intense. Le nom de ninja est préservé ainsi que le générique originel, dont seules les paroles sont traduites. Les épisodes rencontrent en revanche quelques coupes au moment de sortir les nunchakus jusqu’en saison 3. Cela est particulièrement visible sur des épisodes comme Le retour de Shredder (S2 E1), Une incroyable histoire (S2 E2), Les machines rebelles (S2 E4) ou même plus tardivement dans l’épisode La folie d’April (S3 E11).
Postérité
Le comic originel des Tortues Ninja n’était pas très fameux en 1987. Le dessin animé a connu quant à lui un succès retentissant, par ses changements radicaux sur l’histoire et les personnages (pour en savoir plus). C’est la série qui a permis à la licence de s’étoffer, et toucher un nombre de médias plus variés, entre les jouets, les objets du quotidien, la nourriture, mais surtout, la télévision, les comics et le cinéma.
En Europe, dès son arrivée en Grande-Bretagne, la Turtlemania a battu son plein. En quelques jours, les magasins ont été vidés, à l’instar des États-Unis. Les enseignes comme Toys R’Us ont été obligées de limiter la vente de figurines à une par personne plusieurs semaines avant décembre 1990. Bandai, fournisseur des TMNT en Europe, n’arrivait plus à satisfaire la demande, trop importante. C’est aussi à ce moment que de grandes personnalités se sont prêtées au jeu. Le sultan Brunei aurait dépensé « un demi-million de francs pour l’anniversaire de l’un de ses enfants, dans un salon de l’hôtel Claridge, transformé en égouts », nous raconte L’express. Le journal nous explique même que Lady Di a organisé une Ninja Party pour un de ses fils !
La série a été produite pendant neuf ans. Malgré une fin abrupte, sa popularité est restée très forte après son arrêt. Les fans de la première heure ont beaucoup contribué à un second souffle, alimenté à travers les distributeurs de produits dérivés à partir de 2012 puis de 2020 et le rachat de la licence par Viacom et Nickelodeon. Des répliques cultes ont été créées par David Wise, comme « Cowabunga », « Turtles fight with honor » ou encore « Turtle power ! ». En France, même si ce Cowabunga (et les autres termes), n’arrivent qu’au cours de la 5e saison, il demeure un cri très célèbre, et rattaché inévitablement aux Tortues. Et outre les répliques, quel amateur des tortues ne pense pas à elles au moment de manger une pizza ?
Ce premier dessin animé est considéré à tort dans la culture populaire et auprès des fans les moins renseignés comme le point de départ de la licence. Le comic de Mirage est totalement laissé de côté. Kevin Eastman et Peter Laird ont très rapidement été écartés du projet dans les années 1990′ après s’être investis dans les deux premières saisons. Laird, très conservateur, a souvent exprimé sa déception quant au devenir de cet univers.
Génériques
Le dessin-animé est également très connu pour son générique d’ouverture, que ce soit aux États-Unis, ou en France.
On compte en tout trois génériques, dont deux musiques différentes aux États-Unis. Le premier thème musical est utilisé jusqu’au dernier épisode de la saison 7, Le triomphe de Shredder (S7 E14). L’animation change quant à elle à partir de l’épisode La vengeance de la mouche (S4 E14) à la demande de la CBS, qui diffuse ces épisodes à partir de l’automne 1990.
Avec le changement de ton des Red sky seasons, la saison 8 propose un troisième générique totalement neuf, mélangeant des images des premiers épisodes de la saison 8 et du film de 1990. Les deux thèmes musicaux américains sont chantés par Dennis C. Brown. Chuck Lorre a quant à lui écrit le premier générique et prêté sa voix aux tortues dans le thème musical.
En France, l’attention portée aux génériques est sensiblement différente. Il demeure inchangé jusqu’au début de la saison 6, diffusée tardivement, en 1997. Si la saison 5 avait été diffusée en France entre 1993 et 1994, le double épisode final n’a été diffusé qu’en septembre 1997. Ce retour des Tortues Ninja sur le petit écran français a permis l’introduction d’un second générique, bien plus proche de ce qui avait été fait aux États-Unis sur le plan musical. Les images correspondent à celles du second générique, apporté par la CBS. Enfin, un troisième générique, une fois encore identique à la version américaine, tant sur le thème musical que dans les images, est diffusé entre les saisons 8 et 10 en France. Avec l’interdiction de diffuser les épisodes des saisons 8 à 10 en France par TF1, possédant en 1998 les droits pour Next Mutation, le troisième et dernier générique n’a pas été réalisé immédiatement. C’est la raison pour laquelle il est absent des VHS d’UFG Junior, possédant des épisodes de la huitième saison. Le deuxième générique leur est alors attribué.
Le premier générique reste aujourd’hui encore certainement l’un des emblèmes de la pop culture des années 1990 en France. Il est même plus connu que la série en elle-même ! Sur le forum anglophone The Technodrome, sur Youtbe et sur internet en général, les fans du monde entier s’accordent souvent à trouver cette version meilleure que l’originale. Le générique possède même une version longue, pour une durée totale d’environ trois minutes ! Cette première version est la seule en français à prendre des libertés tant sur le rythme que dans les paroles, s’émancipant presque totalement du son exemple américain.
Générique américain Écriture : Chuck Lorre. Première version (1987-1990) Deuxième version (1990-1993) Troisième version (1994-1996) | Générique français Écriture : ? Première version (1989-1994) Deuxième version (1997-2000) Troisième version (2000) |
Bibliographie
- L’express, « Cowabunga ! L’invasion des Tortues Ninja », Vincent Beaufils, article du 13 décembre 1990.
- Archives de l’INA / Inathèque