POG (1993-1996)

Les POG, ces petits disques cartonnés avec des effigies de licence, ont été une véritable déferlante dans les cours de récréations du monde entier. Mais ce fut un raz-de-marée très bref, d’une année tout au plus.


Histoire du POG

Les premiers POG, nommés à l’origine Milk cap, sont nés au début des années 1930′ à Hawaï. Il s’agissait d’une marque de boisson à base de lait, dont les rondelles en carton des capsules étaient utilisées par les enfants pour jouer, faisant face aux problèmes de la crise économique qui frappait le monde depuis 1929.

Mais ce n’est qu’en 1993 que les POG sont réellement devenus mode, cette fois sur le marché américain. Une professeur et conseillère d’orientation, Blossom Galbiso, voulait revaloriser ces capsules de lait avec lesquelles elle avait joué étant enfant. Ainsi en 1991, elle proposa le jeu à ses élèves afin de les aider dans les cours de mathématiques. C’était également une manière pédagogique de leur enseigner un jeu non violent à jouer dans la cours de récréation. En 1992, STANPAC Inc., qui confectionnait les capsules de lait commercialisées à Hawaï, voyait ses productions augmenter par millions de pièces chaque semaine. Très vite, les autres fabriquant commencèrent à vouloir tirer leur épingle du jeu, et proposaient aussi des capsules cartonnées.

Marché américain

Il est rare qu’un marché juteux échappe aux oreilles américaines. Ainsi, un entrepreneur israélien qui sentait la bonne affaire, acquit les droits de l’entreprise POG, dont l’abréviation signifiait « Passionfruit orange guava » (Fruits de la passion, orange, goyave) pour lancer la World POG Federation (WPF) dans le but de rendre célèbres les petites rondelles de carton (et uniquement elles, exit le jus de fruit ou la brique de lait) aux États-Unis. Il comptait les vendre par millions, séduire les enfants et faire craquer les parents américains, transformant le travail louable de Galbiso en un commerce purement économique.

La règle du jeu était très simple, reprenant le concept hawaïen. Elle n’était pas non plus sans rappeler les règles du Menko (めんこ, 面子), originaire du Japon du XVIIe siècle, qui voyait s’affronter deux adversaires à coup de cartes rectangulaires ou rondes avec des motifs.
Les POG étaient vendus à travers des pochettes ou des grappes contenant un certain nombre de disques de carton et un plus épais en plastique, le kini (« petit roi » en hawaïen). Ce dernier devait renverser les tourelles de POG en carton amoncelés.

Parallèlement, Pepsi lança les flippos, un dérivé, qui fut notamment commercialisé en Amérique centrale et du Sud, ainsi qu’en Turquie.

Le mot d’ordre de la WPF était de faire en sorte que les enfants jouent de nouveau ensemble, et cessent de rester dans leur coin. Derrière ces intentions fort louables, au moment où les premières consoles de salon se développaient de manière intense, se cachait la volonté d’inciter les enfants à jouer et échanger ces rondelles de carton et donc de développer un marché de masse.
En quelques mois, ce sont 7 milliards de POG qui sont vendus aux États-Unis, représentant 65 millions de francs la première année. L’année suivante, le concept très séducteur s’est répandu à l’étranger (Canada, Nouvelle-Zélande, Angleterre, Australie, Philippines, Israël par exemple) et la WPF a encaissé pas moins de 750 millions de francs ! La mascotte du jeu, Pogman, avait été dessinée par Mitch Schauer, à qui l’on devra à partir de 1997 la série des Castors allumés.

Les écoles faisaient face à une déferlante inquiétante. Certains états ont commencé en 1994 à considérer les POG comme une forme de jeu d’argent. Nombre d’établissements scolaires ont voulu interdire les capsules en leur sein, entraînant bientôt la fin du jeu dans les États-Unis.

Marché français

C’est le 3 mai 1995 que les premiers POG sont arrivés officiellement en France, à travers Smith (devenu Lays par la suite) et une centaine d’illustrations différentes.

Ce sont les créateurs des Crados, Alain Pinto et Alain Savino, qui ont flairé la bonne affaire. Désireux de relancer les affaires après la fin abrupte de leur licence en 1989, ils ont obtenus des informations de la part d’un ami en Californie. Pinto se rendit aux États-Unis pour mesurer l’effet de mode et repartit le cœur plein d’espoir. Les POG n’étaient pas si loin de deux grandes passions françaises : le jeu de billes, qui faisait fureur dans les cours de récréation, et la collection d’effigies, comme les Crados, ou encore les pin’s, qui avaient connu un réel engouement jusqu’en 1992, principalement chez les adultes.

Pour lancer cette nouvelle aventure, Pinto et Savino firent renaître Avimage, qui avait réalisé les petites vignettes des Crados, en s’associant à Richard Roizen (à la tête de Caprice, créateurs de costumes de déguisements). Afin de s’assurer du succès de leur nouveau concept, ils distribuèrent des POG dans sept écoles test à Paris et de proche banlieue. Le public visé avait entre 6 et 12 ans. Ils avouaient même avoir du mal à récupérer leur marchandise une fois la journée terminée.

Pinto et Savino reprirent les mêmes méthodes peu scrupuleuses exercées avec les Crados dans un premier temps pour faire connaître leurs produits, distribuant gratuitement à la sortie des écoles les POG, privilégiant les enfants issus de milieux populaires afin de créer un effet de demande optimale.
Parallèlement, les commerciaux sont choisis en France et en Italie pour s’apprêter à lancer une déferlante sur le marché. Les moules sont réalisés pour la confection à la fois des rondelles de carton (en France et en Italie), mais aussi des kinis (en Espagne), les dégommeurs en plastique. Le carton est choisi minutieusement pour pouvoir résister entre les mains des enfants. Les licences sont sélectionnées, tout comme les dessins qui viendraient bientôt orner chaque POG. Un article de Libération nous explique que le collage et le séchage d’une feuille sur un POG pouvait durer jusque 48 heures !

Tout s’est enchaîné très vite. Au bout de quatre semaines, c’étaient déjà 15 millions de POG qui étaient vendus. Leur idée était très simple et peu charitable. À travers des POG gratuits, ils voulaient attiser la curiosité des enfants, garantissant un jeu et des centaines de rondelles de cartons à collectionner, les poussant vers une forme d’addiction du jeu et demandant à leurs parents de leur acheter toujours plus de POG pour remplacer ceux perdus le jour même dans la cour de récréation. Les propos de Jonathan en 1995, rapportés par Libération, sont très évocateurs, « aujourd’hui, j’avais pas la main. J’ai raté tous mes coups, alors j’ai misé mes quatre derniers Pog. Et maintenant j’ai plus rien, même mon préféré, le Pogosapien, y est passé ». Vous n’avez pas l’impression d’entendre un aficionado des casinos en lisant ces mots… d’un gamin de 7 ans ?
Mélangez à cela une campagne de spots publicitaires intense durant deux semaines, et le succès était garanti. Si au début c’étaient environ 400 000 pochettes (contenant cinq POG et un kini) à 8 francs écoulées dans la journée, le fabricant allait devoir satisfaire la demande pour 600 000 pochettes ! On arrivait en quelques mois à des pics incroyables, allant jusque 150 sachets de cinq POG vendus en une journée dans un kiosque à journaux. Richard Roizen espérait initialement réaliser un chiffre d’affaires de 150 millions de francs la première année, ce qui serait suffisant pour rentabiliser largement les lourds frais de productions, longs et laborieux. Au bout d’un mois de vente, il pouvait être certain de dépasser ce chiffre, pourtant déjà ambitieux. Afin de répondre à une demande bien supérieure à celle espérée dès la première année, les trois rois du marketing ont permis la vente des POG non seulement dans les kiosques à journaux et les supermarchés (20 000 points de vente), mais également dans les boulangeries.

Le 14 juin 1995, la deuxième série de POG voyait le jour. Si jusqu’ici, les enfants s’arrachaient des disques de carton à l’effigie de Pogman, bientôt, c’était des licences bien connues des plus jeunes qui débarquaient, avec l’aide de Richard Roizen, détenteurs des droits de Warner et de Disney.
Ainsi, Batman, qui faisait fureur depuis un peu plus d’une année à la télévision, ou encore les personnages féériques de Disney débarquaient sur les disques cartonnés. À partir de la rentrée de septembre 1995, ce serait une nouvelle licence qui verrait le jour, presque tous les mois, et cela était déjà prévu par le trio marketing depuis longtemps. Même pour la trêve estivale, tout était prévu, à coups de valises à POG et de t-shirts. Bref, 500 millions de POG s’étaient écoulés en France en 1995.
La demande française était telle dans les cours de récréation, dès le mois de mai, que de nombreux autres fournisseurs se sont développés, avec des POG plus ou moins officiels. À l’assaut du marché européen, certains grands de la collection, pourtant encrés dans la culture depuis des décennies, ont pris la déferlante de plein fouet, comme Panini, qui pour espérer voir son chiffre d’affaires remonter, a lancé sa propre série, les Caps. McDonald’s offrait des pochettes dans leurs menus Happy Meal. Boursin se lançait également dans l’aventure… Arrivaient alors sur le marché d’autres licences à travers plus de 80 fabricants différents, voyant naître les autres grande stars de la télévision, oubliées des fabricants originaux, comme les Power Rangers ou les Tortues Ninja. Les POG étaient même distribués comme cadeaux dans des produits alimentaires comme des chips, des gâteaux ou du fromage ! Certains faux étaient faciles à repérer, car ils ne possédaient aucun motif à l’arrière. « Il faut faire attention parce qu’il y a plein de copies, mais ça vaut des clous. Les faux, c’est juste bon pour s’entraîner ou pour bluffer les filles. Sur les vrais, il y a toujours marqué WPF, World Pog Fédération», nous explique le petit Étienne. À Marion de renchérie « la mode, c’est le Pog. Si t’en as pas, t’es naze. Et si tu as des faux, t’es plouc ». Ainsi, il était possible de voir, comme sur cette vidéo de l’INA, des publicités officielles de POG en France arborer un écriteau « attention aux faux ! ».

En janvier 1996, L’express réalisait un sondage basé sur la notoriété des POG, et sur 411 jeunes de 6 à 12 ans, 99,8% connaissaient les petites rondelles cartonnées. Pour cette nouvelle année, même les fabricants de jouets se lancèrent dans l’aventure, permettant aux enfants de créer leurs propres POG, et donc n’importe quelle image. Bientôt et ironiquement, avec cette infinité de possibilités, les enfants se heurteraient tant à l’envahissement des faux que de l’impossibilité de terminer une collection. Mais comme toutes modes de récréations, les POG connurent très vite leur fin, entre lassitude et nouvelles modes qui venaient remplacer ces disques cartonnés. Parfois, la mode revenait quelques semaines, au début des années 2000’, avant de s’éteindre pour de bon.

Le phénomène était tel en France, qu’aujourd’hui ils ne valent plus rien. Trop de POG, trop d’images, trop de thèmes, trop de n’importe quoi. Aux États-Unis, la mode était bien plus modérée, permettant à l’inverse de retrouver des séries, ou même des rondelles cartonnées se vendant à prix d’or. Au total, il est estimé que plus de 10 milliards de POG ont été vendus à travers une trentaine de pays !

Retour du POG

C’est finalement à la fin de l’année 2020 que les POG sont revenus en France, cette fois à travers la société française spécialisée dans le jeu Asmodee. Toujours vendus à travers des pochettes, ils comptaient surfer sur la nostalgie des parents pour initier leurs enfants à leur tour à cette mode des cours de récréation.

Les premiers POG ont marqués leur retour dans les rayons des magasins le 26 décembre. D’autres séries sont prévues par la suite, en mars, juin et août 2021. À l’heure les technologies, les rondelles en carton à jouer et à collectionner parviendront-elles à percer dans les cours de récré’ ?

POG Tortues Ninja

SlamCo (États-Unis - 1993)

La production des POG Tortues Ninja est très particulière. Elle a débuté aux États-Unis en 1993 à travers une très courte série de deux fois huit disques cartonnés, chez SlamCo, centrés sur le film de la même année.

Présentant les tortues dans leurs armures samurais pour la plupart, ces POG avaient tous le même fond. Il existait deux plaquettes, dont la différence résidait dans l’écriture brillante, soit verte, soit dorée et s’achetaient par lots de huit (série complète). L’arrière était laissé blanc. Aucun numéro de série, copyright ou valeur de jeu n’était affichée, contrairement aux POG français, présentés ci-dessous. Il s’agissait très clairement de l’une des innombrables dérives de la rondelle.

La faible durée de vie de ces POG s’explique d’une part par leur arrivée tardive sur le marché, tant pour les POG qui seraient interdits l’année suivante, que pour la licence Tortues Ninja en elle-même. Numérotée comme première série, une suite était peut-être prévue initialement. Cette production, bien qu’éphémère, aura un très grand rôle dans ce qui a suivi en Europe.

Capsulmania (France - 1995)

Les Tortues Ninja n’ont pas fait exception à la folie des POG en France. Leur origine n’en est pas moins intéressante. Ce sont 152 POG différents qui sont sortis et un kini. « Légèrement » plus qu’aux États-Unis donc !

En réalité, Capsulmania, qui ne semble être connu que pour avoir adapté la licence des Chevaliers d’écailles sur les rondelles cartonnées, ne s’était pas beaucoup foulé. Des huit motifs différents sortis outre-Atlantique, seul un n’est pas retenu. Exit le fond vert, les écritures métallisées vertes ou jaunes, les images étaient adaptées sur des fonds de couleur spécifiques. C’est là qu’entre toute la subtilité de ce jeu de 152 disques. Le jeu se composait de 32 motifs différents. Chaque motif (sauf deux) était répété cinq fois dans le jeu, avec un fond de couleur représentant son nombre de point, rappelé à l’arrière du POG.
Si l’on pouvait retrouver les sept motifs américains, rendant hommage au film de 1993, la plupart de la production reposait sur des images style guide de personnages faites par les équipes de Mirage Studios notamment. Ainsi, il y eut 29 motifs répétés et trois rares, qui avaient la plus forte valeur dans le jeu.

Le code de couleur était le suivant

  • Jaune : 1 point
  • Bleu : 1 point
  • Rose : 3 points
  • Orange : 5 points
  • Vert : 7 points (méchants) et 10 points (gentils)
  • Exceptionnels (2 POG) : 20 points

POG français

À noter que les POG verts étaient un zoom du motif de valeur inférieure. Les deux POG « rares » sont très particuliers. Le premier, le numéro 81, est l’addition de deux celluloïds du dessin animé sur un fond de décor, lui aussi de la série. Le deuxième est une carapace de tortue (numéro 151) et le dernier est d’origine inconnue.

Quelques points intéressants sont à noter. Pour pallier au manque d’illustrations et enrichir le recueil du film de 1993, des captures du visage des tortues au cours du long métrage sont incluses dans la série (numéros 82 à 85). On retrouve pour les tortues un certain nombre de costumes utilisés dans les séries de figurines de 1990 et 1991 (Diguised turtles, Rock’N rollin’ turtles, Sport turtles). Les ennemis sont variés, vont du commun, Bebop et Rocksteady, à des personnages presque inconnus à la télévision, qui n’ont eu qu’une seule apparition, Groundchuck, voire qui n’ont eu qu’une apparition comme figurine, Sergent Bananas, Wyrm ou Doctor El.
Enfin, deux OVNIs dans ces illustrations, Leonardo et Raphael, sautant dans les airs, reprenant le design des tortues du comic original, sous le crayon de Michael Dooney.

Tubes Tortues Ninja

Ces POG s’achetaient dans des blisters contenant quatre POG et un kini, le tout vendu avec une Tortue Ninja avec un cordon jaune pour l’attacher autour du cou. Elle était composée d’un buste et de jambes, rattachés à un tube de plastique transparent au milieu, pour y ranger les disques de carton. Ces tubes s’ouvraient en retirant le buste par le haut. Il arrivait que ces collecteurs en forme de Tortues Ninja soient vendus dans les fêtes foraines, à la fin des années 1990′ comme tubes à bonbons. À cette époque, les POG étaient démodés, c’était une excellente manière de recycler ces pièces.

Les blisters étaient tous identiques. À l’avant, deux des POG les plus rares illustraient l’emballage. De part et d’autre du tube Tortue Ninja étaient présentés les quatre POG en carton. L’enfant qui achetait le blister savait donc quel POG il acquérait. L’arrière était en noir et blanc, avec un logo français et américain, le copyright, mais aussi un tableau résumant la valeur en point des 152 POG de la série, sans préciser le nom ou l’image correspondant.
Les POG TMNT français sont assez nombreux et courants en brocantes. Pourtant, les tubes tortues qui les collectaient le sont beaucoup moins. Il est donc possible que ces disques de carton se soient vendus séparément. Aucune trace n’a été trouvée d’autres types de blisters ou de pochettes cependant.

La collection des POG Tortues Ninja

Sources

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