Retour sur la Clermont Geek Convention (16-17 mars) : interviews avec les comédiens du dessin animé de 1987 (VF) et Michael Dialynas (comic d’IDW Publishing)

La Clermont Geek Convention s’est déroulée il y a une dizaine de jours au Polydrôme de Clermont-Ferrand. L’occasion pour les fans des Tortues Ninja de retrouver les comédiens français du dessin animé de 1987, mais aussi de rencontrer le dessinateur grec Michael Dialynas, travaillant actuellement sur le comic d’IDW.

Il n’a pas été possible d’envoyer un ninja espionner les évènements de ce salon, mais je tiens à remercier chaleureusement le responsable des conférences de Pop ! Campus (émission Pop Culture de Radio Campus Clermont-Ferrand), Sébastien Colasse, qui m’a énormément aidé dans la réalisation de cet article.

Les comédiens français qui prêtaient leurs voix aux tortues du dessin animé de 1987 avaient été invités à l’occasion des trente ans de la sortie de la série en France (1989 sur Canal +). Il s’agissait d’Alain Flick (Michaelangelo), Mark Lesser (Leonardo), Thierry Bourdon (Raphael) et de Denis Laustriat (Donatello). C’était la première fois qu’ils se retrouvaient ensemble autour d’un évènement portant sur les TMNT. Et apparemment, ils ont fait succès le week-end !
Ce n’est pas tout, puisque la licence fête également ses 35 ans dans un petit peu plus d’un mois. Il fallait donc un dessinateur du comic !! Et c’est le très apprécié Michael Dialynas qui est venu présenter son travail, invité par l’association Teach, Drink and Draw. Le dessinateur grec s’est particulièrement illustré ces derniers mois à travers le Macro-series #2 : Michelangelo, ainsi que les TMNT #91 et TMNT #92, précédent le très attendu arc City at war, menant l’aventure à son centième numéro ! C’était l’occasion pour les fans de discuter avec lui, obtenir quelques autographes et dessins.

Conférence

Samedi à partir de 16h, les fans étaient invités à se rendre dans l’amphithéâtre pour assister à une conférence avec les quatre comédiens, qui revenaient sur l’ensemble de leur carrière, et surtout échanger quelques anecdotes et expliquer le déroulement de l’enregistrement d’un épisode.
Notons au passage qu’Alain Flick était le seul présent depuis le début de la série jusqu’à l’important remaniement qui a lieu au cours de la cinquième saison. Tous les autres comédiens sont arrivés en remplacement des originaux, et sont partis avec Flick après le 106e épisode de la série (voir ci-dessous).

Si vous souhaitez assister à la conférence, voici un lien vers une vidéo youtube qui reprend l’ensemble de ce qui a été retranscrit ici. Retrouver également une autre interview, cette fois avec Denis Laustriat et Alain Flick, donnée pour Radio Campus Clermont-Ferrand et qui est un excellent complément.

Carrière

Les comédiens sont revenus dans un premier temps sur l’ensemble de leur carrière. Thierry Bourdon et Alain Flick étaient présents depuis le début du Studio de la SOFI (qui s’occupait des doublages des séries). C’était une période où il y avait énormément de travail. Il leur arrivait d’enregistrer plusieurs films ou téléfilms dans une même journée. Finalement, les dessin animé étaient comme une récompense en fin de journée, leur permettant plus de liberté et une pression moindre. Flick appelle ça la cerise sur le gâteau.

Lorsque le dessin animé des Tortues Ninja avait été commandé, les « filles », des dames chargées du recrutement des comédiens pour les commandes de dessin animé dans la SOFI, ont demandé son avis à Philippe Ogouz (directeur artistique). À cette époque, il était courant que le directeur rassemble des personnes avec qui il appréciait travailler. Ogouz leur proposa alors Alain Flick, qu’il connaissait déjà bien depuis quelques années, pour la voix de Michaelangelo.
Pour Denis Laustriat (Donatello), qui est arrivé avec la deuxième vague de comédiens sur le dessin animé des Tortues Ninja, les choses étaient légèrement différentes. Travaillant dans un autre studio à cette époque, Ogouz lui fit une proposition, car ils avaient énormément de travail. S’assurant que Laustriat pouvait travailler sur le doublage sur de nombreux épisodes, il ne lui dit pas pour autant qu’il s’agissait des Tortues Ninja. Le comédien en rit encore d’ailleurs, car il n’en avait jamais entendu parler avant. Lorsqu’il s’est lancé dans l’expérience pour la série, il était très dubitatif quant à son succès. Des tortues qui mangent des pizzas et pratiquent les arts martiaux ? Ce n’est qu’après avoir travaillé sur trois ou quatre épisodes qu’il s’est rendu compte de la richesse du dessin animé des nombreuses références et du renouvellement des épisodes. Il n’aurait jamais parié pour autant qu’il reviendrait en parler, près d’une trentaine d’années après !

Déroulement de l’enregistrement

La manière d’enregistrer a beaucoup changé depuis quelques années, notamment avec les nouvelles technologies. Dans les années 80’, les comédiens étaient réunis autour du micro, face à un écran qui faisait défiler le texte. L’une des différences principales avec l’enregistrement aujourd’hui tient du fait qu’il n’y avait que deux pistes d’enregistrements. Il était donc important d’éviter les erreurs, ne pouvant pas faire aussi facilement et rapidement de montages.
L’exigence dans les dessin animé était moins importante que pour les séries, films, ou téléfilms. Le mot d’ordre était d’enregistrer au plus vite, au plus efficacement et au plus grand nombre. Souvent, les comédiens ne lisaient pas leur texte au préalable, ils découvraient les lignes de dialogues en direct. Cela demandait de l’entraînement et de bien connaître son personnage. Plusieurs personnages pouvaient être doublés par un seul comédien (Alain Flick pour Michaelangelo et Rocksteady, Philippe Ogouz pour Splinter et Krang par exemple). Il fallait donc savoir très rapidement passer d’une personnalité à l’autre et changer de voix par la même occasion.

Que ce soit pour DBZ, les TMNT, ou d’autres dessin animé, les comédiens étaient entre 4 et 6 autour du micro pour parler. Habitués à faire des grands gestes pour accompagner leurs dialogues, il arrivait qu’ils cognent leurs partenaires. Aujourd’hui, avec le numérique, plusieurs épisodes peuvent être doublés à la chaîne et surtout avec des séquences précises dans la journée. Cela permet de n’avoir qu’un ou deux comédiens à chaque fois, pour éviter la cohue et aménager les emplois du temps. La chose a beaucoup changé en quelques dizaines d’années.

Le doublage d’épisodes de dessin animé entraînait une excellente ambiance, avec un côté « troupe » de théâtre, comme aimait en parler Ogouz. Durant un été, en 1991 ou 1992, il leur arrivait de faire du doublage pendant deux soirs dans la semaine, leur permettant de bien se connaître les uns les autres. C’était donc un vrai plaisir de jouer ensemble et cela entraîna de véritables fous rires. S’il arrivait régulièrement qu’il y ait de l’improvisation, puisque les comédiens découvraient leur texte sans préparation, Philippe Ogouz n’aimait pas beaucoup qu’il y ait des erreurs. Cela obligeait de recommencer les dialogues. À chaque erreur, il avait demandé aux comédiens de mettre 5 francs dans un pot commun, leur permettant de se payer des sandwichs à la fin de la journée. C’était une expérience très intéressante où il fallait savoir se montrer réactif. Le nombre de comédien réuni favorisait la bonne ambiance et un travail vivant. Loin de la réalisation presque mécanique et monotone que l’on peut retrouver aujourd’hui.

Mais le doublage ne s’arrête pas qu’à enregistrer les voix des comédiens. Si aujourd’hui de nombreuses séries et films fournissent des bandes sons, il arrivait qu’à cette époque, il faille également enregistrer ses propres sons. C’était un métier à part entière, assuré par des bruiteurs qui se trouvaient dans des cabines à côté des comédiens. Ils possédaient tout un atelier avec divers objets pour simuler au mieux des bruits, avec de l’eau, des cailloux, des valises et autres accessoires qui paraissent loufoques. Comme il n’existait pas encore plusieurs pistes d’enregistrement de son, il fallait donc qu’ils soient en parfaite adéquation avec les comédiens qui prêtaient, eux, leurs voix. Les responsabilités étaient donc partagées et la pression encore plus grande !

Anecdotes

Thierry Bourdon, Mark Lesser, Sébastien Colasse, Denis Laustriat et Alain Flick

Il était difficile pour les comédiens de parler d’anecdotes particulières, les souvenirs étant lointains. Parfois, l’un d’eux improvisait ou modifiait légèrement ses lignes de dialogues, forçant les autres à improviser à leur tour. Ils devaient donc se retenir de ne pas éclater de rire pendant les enregistrements, face à tous ces changements et les situations parfois compliquées dans lesquelles ils se mettaient.

Un petit détail très croustillant nous est donné par Alain Flick. Mark Lesser et lui étaient très friands de culture tibétaine et de bouddhisme à cette époque. Ils se sont alors amusés à introduire des mantras tibétains dans leurs bruitages de combats. Pepperoni sur la pizza ? Philippe Ogouz n’en savait rien, il pensait que ce n’étaient que des onomatopées !!

Changements de la saison 5

En France, quand on parle de la saison 5, il arrive très souvent de voir des grimaces s’afficher sur les visages des fans. En effet, à partir de l’épisode Mon frère, le mauvais garçon (S5 E3), les voix des personnages changent drastiquement. Tous les comédiens sont remplacés. Que s’est-il passé ? Malheureusement, aucune des deux interviews dont le lien vous est donné en début d’article n’abordent clairement ce sujet. J’ai contacté Mark Lesser des informations là-dessus. Il est resté vague, mais cela est en lien avec un changement de production, très certainement avec le départ de Philippe Ogouz.
La traduction des épisodes change par la même occasion à cette époque, pour se rapprocher des lignes de dialogues bien plus fidèles à la série, notamment avec l’introduction du mythique « Cowabunga », qui avait jusque-là été toujours adapté à travers d’autres mots, et ce, depuis le premier épisode. Cela entraine en contrepartie une perte dans le naturel des voix.

Dans l’interview donnée à Radio campus, Alain Flick mentionne un gros problème traversé par le studio autour de 1994. Il est fort à parier que cela est en lien avec le changement de comédiens et de direction. Il faudra attendre la moitié de la sixième saison, et l’épisode Donatello recycle (S6 E11) pour voir un nouveau changement intervenir. Le troisième et dernier au passage. Seul Mark Lesser est de retour dans la série, pour prêter encore sa voix à Leonardo.

Interview avec Michael Dialynas

Arrivé dans les comics

Michael Dialynas et Sébastien Colasse

Michael Dialynas est l’un des nombreux dessinateurs de l’actuel comic des Tortues Ninja, publié aux États-Unis par IDW Publishing, et en France chez HiComics.
L’artiste grec s’estime être chanceux de pouvoir travailler aujourd’hui dans l’univers des comic books. Depuis tout petit, il était un fan des Tortues Ninja. Il avait six ans quand le premier film est sorti et il a baigné dans la Turtle mania dès lors. C’est d’ailleurs Sophie Campbell, également dessinatrice sur le comic d’IDW (l’arc Northampton entre autres) qui l’a présenté à l’éditeur, en 2013. S’en est suivi une RI cover pour le TMNT #29 (de Sophie), puis l’arrivée sur l’ongoing à partir du TMNT #53 (pas encore publié en France), puis sur TMNT Universe et même la deuxième partie de la mini-série Dimension X.

Il a travaillé énormément sur The wood, sa plus grosse série jusqu’ici, avec James Tynion IV (scénariste des crossovers Batman / TMNT). Débutée il y a cinq ans, il est tout de même question de 36 numéros et 800 pages. Le comic s’est terminé en 2017.
L’histoire présente les aventures d’étudiants, de professeurs et les différents employés d’une école du Milwaukee, qui se retrouvent mystérieusement transportés dans une forêt sur une autre planète. Les étudiants entre 16 et 18 ans vont alors devoir mettre de côté leurs problèmes du quotidien pour trouver une manière de rentrer chez eux, s’ils le peuvent, et survivre jusque-là. La série devrait être adaptée par Universal et la chaine Sci-Fi prochainement.

Situation de la BD en Grèce

Cover A – Michael Dialynas

La crise qui a frappé la Grèce il y a une dizaine d’années lui a été favorable. Avant cela, Dialynas travaillait comme dessinateur de voitures pour des publicitaires. Si son travail était confortable, il est très vite devenu précaire avec la situation économique critique de son pays. Son rêve avait toujours été d’être dessinateur de comics. Il s’est alors demandé s’il désirait se battre pour conserver son travail ou aller au-delà, et chercher à atteindre son rêve. Pendant deux années, il s’est retrouvé sans emploi, ce qui lui a laissé le temps de parfaire son style et se faire engager chez Dark Horse. Merci la crise dit-il !
Mais il n’est pas le seul dans ce cas en Grèce. En effet, ces dix dernières années ont vu le comic book prendre de plus en plus de place. Contrairement aux autres pays européens, on n’y retrouve pas un style propre. Il s’agit d’une sorte de brassage de nombreuses références et cultures. Il doit y avoir une trentaine de dessinateurs grecs aujourd’hui qui vivent de leur travail. Seule une dizaine parvient à développer son travail aux États-Unis, où l’on retrouve également des écrivains, des coloristes, et un ou deux scénaristes. Le métier tend à croitre dans les années à venir. Il révèle également travailler sur un livre très important, et qui devrait aboutir en 2020. S’il vient de commencer, il se montre déjà très excité par ce travail.

 

Je tiens une fois encore à remercier Sébastien Colasse, que vous avez pu croiser sur quelques photographies ci et là, et sans qui cet article n’aurait jamais pu être réalisé. Ce salon a permis notamment de réunir pour la première fois les comédiens du dessin-animé original des Tortues Ninja. Une première ! Et ça vaut la peine de le dire, et de le valoriser. Nous possédons si peu d’informations sur cette période en France. Merci aux organisateurs pour ce salon et ces invités de LUXE !

 

Cowabunga !!

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